Lettres de Jonathan Begg, Salt Spring Island, 1860-62
À M. William Chisholm,
Onion Grove,
Cedar County,
Iowa, USA
Aboyne Place
Salt Spring Island
Près de l'île de Van Couver
10 mars 1860
Chers William et Margaret,
Je profite de l’occasion pour vous écrire à nouveau de cet endroit. L’histoire de mes transactions et de mes activités depuis que je suis arrivé sur la côte Pacifique est tellement volumineuse que je ne peux pas commencer à tout raconter. Vous savez que j’ai passé l’hiver dernier en Californie où j’ai aussitôt obtenu un emploi à 40 $ par mois pour superviser une pépinière. Après être resté là 3 mois et avoir vu suffisamment à mon goût du climat et de la société, je suis parti, sans un sou en poche, chercher fortune vers le nord. Quand je suis arrivé à Victoria autour du 1er juin de l’année dernière, la ville subissait un revers de fortune causé par les mauvaises nouvelles des mines. Voyant que je ne pouvais trouver de travail d’aucune sorte puisqu'il y en avait des centaines de plus qui étaient sans emploi, j’ai tout de suite loué une maison vacante avec 2/3 d’acre de terre où j’ai planté environ 1500 choux, etc. Comme la terre était pauvre, je n’en ai pas tiré grand chose. À l’automne, je me suis annoncé dans le journal local comme jardinier et j’ai obtenu un emploi chez M. Wood, le banquier, ce qui m’a remis sur mes pieds. Lorsque je demeurais à Victoria, j’ai un travail à faire de plus grande importance que mon emploi de tous les jours. J’ai découvert que le système agraire était dans un état tellement déplorable que quiconque ne travaillait pas pour la J.B. Coi ne pouvait pas se procurer une acre de terre du domaine public. J’ai constaté la nécessité de la justice et d’une réforme. J’ai alors lancé un mouvement qui a depuis, changé tout le système agraire dans la colonie. J’ai mis sur pied une rencontre publique dans un des principaux hôtels où de solides résolutions ont été proposées et adoptées accompagnées d'une pétition urgente au gouverneur et au Conseil. Une délégation des citoyens les plus respectables a été choisie pour intervenir auprès du gouverneur, etc. Le mouvement s’est poursuivi jusqu’à ce que la H. B., le gouverneur et le Conseil aient dû se plier à la demande populaire. Le résultat obtenu est que nous avons reçu la permission de réserver pour une période de 2 ou 3 ans de la terre publique allant jusqu’à 200 acres chacune avec la perspective de l’acheter au prix d’environ 1,25 $ l’acre, car à ce moment-là, ces terres seront dans les mains de l’administration locale qui a promis de les réduire à la satisfaction de toutes les parties. J’étais un des 18 aventuriers qui sont allés voir les terres. Lorsque nous sommes débarqués sur l’île mentionnée en en-tête de cette lettre. Elle est d’environ 20 milles de long et varie en largeur entre 2 et 7 milles. Elle est située dans le coude du canal De Horo qui fait partie du canal Georgian, et immédiatement en face de l’embouchure de la rivière Fraser, à une distance d’environ 40 milles au N.-O. de Victoria et à moins de 1/2 mille de l’île Vancouver. Je puis voir l’embouchure de la rivière Fraser distante d’environ 20 milles et les montagnes Cascade distantes d’environ 75 milles par toute journée dégagée, en me rendant sur la montagne située à 1/4 de mille derrière moi.
C’est une des régions les plus romantiques où je me suis trouvé. L’Écosse n’est rien en comparaison. Retour à mon récit. La bande d’aventuriers dons je parlais, y compris moi-même, trouvant l’île très bien située, au milieu de l’archipel, plus belle que les Mille îles du Saint-Laurent, étant si commode pour se rendre à Victoria [....] de San Juan, nous avons décidé d’y former la colonie. Pour le choix des terres, nous avons tiré au sort. J’ai eu la chance d’obtenir le deuxième choix; vous devez donc comprendre que je n’ai pas une mauvaise ferme. Mon terrain fait face à une belle petite baie sur 1/4 de mille et à 2 milles au large, en direction de la rivière Fraser, se trouve une longue île qui me protège contre les vents d’été qui viennent du N,-O. L’arrière de mon terrain est en bordure d’un beau lac d’eau douce [le lac St. Mary] qui fait quelque 2 milles en longueur et qui abonde de poisson. J’ai près de 80 acres de prairie sur la ferme. Ce n’est pas exactement une prairie parce que ça ressemble plus à un parc anglais ou un terrain de jeu et ici et là, poussent des bouquets de beaux sapins baumiers. L’automne dernier, j’ai érigé une cabane de 14 x 17 sur mon terrain, en rondins couverts de bardeaux et dans l’ensemble, plus ouverte qu’une maison, qui gèlerait à mort une vache durant l’hiver au Canada, avec rien d’autre qu’un petit foyer et un plancher en terre battue; le climat est si beau que j’y ai passé l’hiver très confortablement.
Inutile de dire que de commencer ainsi en pleine nature, sans capital, étranger de surcroît, a été une tâche difficile, mais je suis persévérant et industrieux. Jusqu’ici, j’ai surmonté toutes mes difficultés de manière très satisfaisante et je suis maintenant en possession de 200 acres de la meilleure terre sur la côte Pacifique. Ce printemps, j’ai engagé 2 jeunes hommes, mais pour cette année seulement. J’ai près de 3 acres clôturées et en culture sur lesquels je travaille présentement. Nous pourrons planter 1 acre de légumes, 1 acre de rutabagas et de choux ainsi qu’une acre de patates. J’ai également planté 75 pommiers ce printemps ainsi qu’un bon nombre plants de groseilles à maquereau. Vous pouvez imaginer comme les légumes sont payants, ici, lorsque les pois verts se vendent entre 10 cents et 20 cents 1/2 la livre, le chou entre 2 cents 1/2 et 10 cents, les oignons à 10 cents la livre, les rutabagas 2 cents 1/2, etc. Les goélettes venant de Nanaimo et se rendant à Victoria passent chez moi près de 3 fois par semaine et nous recevons le courrier une fois par semaine. Je suis le maître de poste et j’ai établi un petit magasin sur mon terrain, en plus de mes activités agricoles. Je vous enverrai un journal avec mon annonce.
Il y a maintenant 50 colons sur l’île. Les fermes ont 200 acres chacune, disposant d’une façade de 1/4 mille et de 1 mille 1/4 en profondeur, de sorte qu’il y a un colon et une maison à chaque 1/4 mille de chaque côté de moi, sur une bonne distance. Comme je suis le fondateur du mouvement pour la réforme agraire, je suis connu à la grandeur de la colonie et maintenant, j’en fréquente la meilleure société.
Je n’ai pas été en aussi bonne santé depuis des années. C’est le fruit du bon climat, de plein de travail et des belles perspectives qui se présentent à moi.
Pour le moment, mon bétail consiste en un matou et un jeune chien. Je pourrais mentionner que j’ai une source d’eau salée de valeur sur mon terrain – très imprégnée de sel pur, soit 1/5 de sel.
Le prix du passage de San Francisco à Victoria est de 25 $ à l’entrepont et de 50 $ en cabines. En goélette le prix du passage de Victoria à chez moi est de 2 $.
Le coût de la vie est très faible ici, car les Indiens, qui sont très serviables et très bons à l’égard des Blancs, nous fournissent de grandes quantités de ce qu’on trouve de meilleur, dans l’eau, les bois et les forêts, pour une chanson. Ainsi, j’achète un bon chevreuil pesant 100 lb pour 1,50 $ en troc, mais l’objet de troc m’en avait coûté la moitié. On peut souvent acheter un saumon de 10 lb pour 12 cents 1/2. Un canard coûte le même prix. Le tétras à 25 cents en troc.
Les nobles d’Angleterre ne vivent pas mieux, car nous tirons le meilleur de la mer et de la terre, pour une bagatelle.
Un mot au sujet du climat. Je connais maintenant un peu de la Californie comme de ce pays. En Californie le climat est en effet très beau, mais il y a, dans le climat de Californie quelque chose de tellement relaxant, que vous souffrez du moindre courant d'air. J’ai été étonné, en arrivant à San Francisco, l’année dernière, de voir des hommes tremblotant autour d’un poêle alors que la température était celle qu’on retrouve au début de juin au Canada. J’ai moi-même ressenti la sensation. Après quelques mois à cet endroit, j’ai commencé à être sensible au moindre courant d’air froid et le vent y souffle fort à plusieurs endroits. Ici, l’été est comme en Italie, alors qu’en Californie, l’été, tout est brûlé par un soleil qui plombe presque à la verticale renversant presque complètement la saison, de sorte que l’été est la saison de repos de la végétation en Californie.
La société de Californie, bien qu’elle s’améliore, n’est pas des meilleures. Et le gouvernement est pourri. Personne ne peut y obtenir une position, sauf une crapule rusée ou un Irlandais. La seule chose que j’ai aimée de la Californie, ce sont ses fruits. À cet égard, la Californie est superbe. Cette colonie et son territoire adjacent présentent de nombreux avantages pour un débutant, par rapport à la Californie. Ici, la terre est excellente à plusieurs endroits. Le gouvernement est meilleur et le climat ainsi que la société correspondent plus à mes goûts. J’ai un bon nombre de Canadiens comme voisins, du moins des gens arrivés récemment au Canada.
Ici est l’endroit sur le continent américain où le coût de la vie est le plus bas. Tout ce qu’on porte ou qui est nécessaire à une famille peut être acheté aussi bon marché qu’à Toronto ou à moindre prix, puisque Victoria est un port franc.
Maintenant, après vous avoir résumé ma vie des deux dernières années, puis-je vous demander ce que vous devenez et quels sont vos projets puisque je n’ai pas eu de vos nouvelles depuis que j’ai quitté la côte est, sauf pour une lettre de vous alors que j’étais en Californie et qui ne contenait pas de nouvelles, mais une série de questions auxquelles je viens de tenter de répondre. Si vous recevez cette lettre, je vous prierais d’y répondre – répondez à ce no 2 pour que je sache à quoi vous répondez. Envoyez-moi toutes les nouvelles, de près et de loin survenues au cours des 18 derniers mois et je vous répondrai. Je vous prie de transmettre mes meilleurs souhaits à tous mes amis que vous rencontrerez ou à qui vous écrirez. Rappelez-moi aux bons souvenirs des gens de Buffalo ainsi qu’à vos amis de Pickering.
Bien vôtre,
Jonathan Begg
Salt Spring Island P.H.
par Victoria
île de Vancouver
par voie terrestre
Balmoral
Salt Spring Island
Près de l’île Vancouver
3 juin 1860
Mes chers amis,
Je profite de cette occasion pour vous écrire de nouveau. Jusqu’ici, je n’ai pas eu de vos nouvelles depuis que je suis arrivé dans la colonie. Dans ma dernière lettre, je relatais mon expérience sur la côte du Pacifique avec mes opinions, etc., il est inutile de le répéter. Il suffit de dire que le pays a fait preuve d’une abondance durable cet été dont peu avaient rêvé et en ce qui concerne la rivière Fraser, il est maintenant prouvé hors de tout doute qu’elle contient des ressources inépuisables du métal précieux tout le long de la rivière et de ses nombreux affluents, sur 6 ou 7 cents milles dans le pays.
J’ai monté une ferme et je travaille fort, maintenant à planter des choux et du rutabaga. J’ai 4 acres clôturées et 2 acres ensemencées de patates et de légumes. Le reste sera planté en choux et en rutabaga. Cet été, j’espère avoir planté 10 000 choux qui rapportent quelquefois jusqu’à 10 cents la livre et c’est ce que je m’attends à en obtenir au printemps. Ma ferme comporte 200 acres de la meilleure terre dans la colonie et est admirablement située entre New Westminster et Victoria les capitales respectives de Colombie-Britannique et de l’île de Vancouver. Je suis très heureux de mes projets ici et si les ressources en or de la Colombie-Britannique sont durables, ce que j’ai toute raison de croire, je ne puis pas faire autrement que de bien m’en tirer d’ici quelques années. Le climat est excellent en autant que j’aie pu juger, mais je n’en ai qu’une année d’expérience. Ici, l’été est sans pareil et le décor ressemble à un terrain de jeu pour gentilshommes tellement il est splendide et panaché dans sa robe d’été. Ici, l’agriculture n’est pas fondée sur de grands principes. Le peu qui a été fait ou qui est fait est le fruit du travail des vieux employés de la H.B. Coi qui sont encore plus maladroits que les animaux qu’ils conduisent. On peut voir ici les vieilles charrettes, les vieux outils agricoles et les méthodes de culture utilisées en Grande-Bretagne il y a 30 ans. Ici, un bon fermier pratique ne manquerait pas de devenir riche en quelques années; par exemple, les rutabagas se vendent à 1 cent la livre en grandes quantité, le foin de 30 à 50 dollars la tonne, le beurre à 30 cents la livre, les œufs à 75 cents la douzaine. Et tous les autres produits en proportion – et ces prix doivent durer aussi longtemps que les districts aurifères seront productifs, et c’est maintenant un fait assuré, parce que un placer sec d’une étendue sans limite a été découvert ce printemps, qui rapporte entre 5 et 10 dollars par jour par homme.
On est en bonne compagnie, ici. Il y a un bon nombre de Canadiens – qui sont colons sur l’île parce que nous sommes sur le chemin qui mène aux mines de charbon de Nanimo et à seulement 25 milles de cet endroit nous avons autant que 3 ou 4 goélettes et autres qui s'arrêtent, chaque semaine, venant de Vancouver et se dirigeant vers Victoria et nous avons un service postal aux dix jours. Et votre humble serviteur a été nommé maître de poste. Nous avons eu une élection pour envoyer un représentant de Salt Spring à l’assemblée législative. J’ai été nommé officier [électoral] à cette occasion. Les candidats membres devaient avoir une valeur de 1 500 $ on a donc dû nommer quelqu’un de Victoria, car aucun colon n’était assez riche. Le membre est élu pour une période de trois ans. D’ici ce temps-là, nous espérons être représentés par quelqu’un de l’île. J’ai eu l’honneur d’organiser la première société agricole de la colonie, de sorte que nous avons maintenant la Salt Spring Island Agricultural Society et j’espère avoir de bons résultats à afficher, l’automne prochain. Dans le moment, nous attendons anxieusement des nouvelles du gouvernement à l'effet que le prix de la terre soit réduit à 1,25 $ l’acre. Le gouvernement local a envoyé une pétition au gouvernement pour obtenir cette réduction.
Je me sens mieux ici que dans n’importe quel autre pays où j’ai vécu et si nous avions seulement une bonne petite société, ce serait un paradis parfait. Je remarque toutefois que la société s’améliore chaque jour avec l’arrivée de familles respectables provenant d’Angleterre et des colonies.
Il en coûte très peu de vivre ici. Nos indigènes nous fournissent tous les articles de luxe de la saison pour une bagatelle. Imaginez un beau chevreuil pour 1 $ -- un saumon pesant 20 lb, 12 1/2 cents, un lot de tétras, 25 cents, etc. C’est le pays rêvé de l’épicurien.
Je suis en excellente santé et de très bonne humeur et j’espère vous trouver dans les mêmes conditions. En espérant que vous allez m’envoyer une longue lettre avec toutes les nouvelles de chez vous.
Bien vôtre,
Jonathan Begg
Par la route terrestre 2
Adresse :
J. Begg
Maître de poste
Salt Spring Island
Près de l’île de Vancouver
Écrit en travers de la page 1 : James et Elspet doivent avoir beaucoup grandi. J’aimerais bien que James soit ici. Il me serait d’une excellente compagnie et il pousserait comme les cèdres du Liban dans leur forêt d'origine.
Salt Spring Island
16 juillet 1860
Chers amis,
Je viens de recevoir votre lettre datée du 1er mars et j’en lis le contenu. Je ne m’attendais plus à avoir de vos nouvelles. Je crois que l’excuse de n’avoir pas connu mon adresse est bien faible. En lisant votre lettre, je constate que George a eu un héritier et j’en suis bien content, car je croyais que mon nom de famille était voué à disparaître avec la présente génération. Je regrette d’apprendre la mort de M. Green. Je suppose que son frère s’occupe de la ferme. Je suis heureux de voir que vos goûts républicains s’affadissent. Cette institution est bien belle en théorie, mais elle ne peut être mise en pratique dans cette période dégénérée. Je perds intérêt dans le Canada et, si ce n’était de quelques amis que j’ai laissés derrière, je l’effacerais de mes souvenirs pour toujours. Je suis découragé de la conduite de certains de mes amis canadiens qui ne m’écrivent pas. J’ai envoyé plusieurs lettres et journaux à Legg et à d’autres, sans recevoir la moindre réponse. J’ai pourtant bien reçu une lettre de M. J Begg, Aberdeen, Scotland. Il m’informe que M. P. Legg s’est marié et que Rachel est sur le point d’épouser un médecin à Demerara.
Un ami, McIntryre, qui a quitté le Canada avec moi, se trouve à environ 200 milles en amont et il travaille pour une compagnie qui fait le lavage du sable aurifère au sluice et où un homme gagne en moyenne 8 dollars par jour. Il n’y a pas de crainte, un homme qui aime travailler peut très bien réussir, là où ça lui plaît, dans cette région du pays. Mais la région est affligée d’une calamité en raison de la présence d’un grand nombre d’hommes arrivés après la mise en place du gouvernement et qui se considèrent trop distingués pour manier le pic et la pelle et qui ne servent à rien dans une nouvelle colonie. Il en résulte que plusieurs d’entre eux sont désappointés d’être venus ici et ils en font donc des comptes rendus défavorables. Je rencontre souvent des hommes qui ont les meilleurs liens aristocratiques du Canada, conduisant une charrette, poussant une brouette ou déchargeant des planches d’une scierie. Ici, on ne respecte pas la personne; le sort est travaille ou crève. Mais à celui qui veut travailler, la récompense est grande.
C’est maintenant l’été et le temps est tout ce qu’on peut désirer. Ici, le climat est beau à l’extrême. Il est bien rare que l’hiver dure plus longtemps que quinze jours et le printemps, l’été et l’automne sont superbes. Je ne pourrais pas vous donner une meilleure idée qu’en vous disant que le sol ressemble au meilleur de tous en Écosse parsemé ici et là de collines et il y a une belle vallée fertile qu’on vient juste de découvrir sur la rivière Fraser, à 200 milles de l’embouchure. Cette saison, tout va pour le mieux sur la rivière Fraser. On a prouvé, au-delà de tout doute, que l’or existe en grandes quantités. Tous les mineurs réussissent bien, cette année, sur la rivière Fraser. On trace des pistes, on construit des vapeurs sur les Grands Lacs et partout, les améliorations se portent vers l’intérieur du pays. L’agriculture sera une affaire rentable ici, longtemps encore comme en font foi les prix suivants : le beurre à 50 cents la livre, les œufs à 75 cents la douzaine avec une bonne poule caquetante et un nid bien rempli. vous vous demanderez ce que j'ai fait cet été. Eh bien, j’ai clôturé 4 acres et pour la plupart, elles sont en culture – principalement des patates, des choux et du rutabaga. Je m’attends à vendre les patates à 50 cents la livre et les autres récoltes en proportion. Vous pouvez imaginer que je ne suis pas resté à rien faire, avec deux hommes engagés. [phrase illisible]
J’ai planté 64 pommiers, ce printemps et ils se portent bien, certains ont poussé en gros bourgeons, déjà. Ici, c'est la région qui produit le plus de baies sauvages et dans le nord, elles sont tellement belles. J’ai également réussi [?...] source d'eau minérale salée sur ma terre dont dérive le nom de cet endroit. J’ai nommé mon domaine Balmoral et j’espère en faire une place d’eau recherchée, un jour. Je viens tout juste de revenir de Queensburgh ou une autre New Westminster la capitale de la Colombie-Britannique n’étant qu’à 15 milles de l’embouchure de la rivière Fraser, est un endroit qui bouge beaucoup. Il y a seulement un an, qu'on en a fait les plans et les travaux ont tellement avancé qu’on voit les tracés des principales rues, des jetées et des quais et que des maisons occupent déjà le bord de mer. À mon arrivée, il y avait onze bateaux dans le port.
[ce qui suit est écrit en travers des pages précédentes, à la perpendiculaire du reste de la lettre]
Il n’y a rien de mieux et de plus beau au monde que le paysage et le climat d’ici. Lorsque je m’éloigne un peu de ma maison, je puis voir l’embouchure de la rivière Fraser et son parcours jusqu’à la chaîne Cascade. Cette chaîne qui surplombe comme des géants immenses, se trouve à une distance de 8 milles. On peut y voir la neige tout au long de l’année. Je pense que je pourrai tirer plus de mes 4 acres, cette année, que vous réussirez, sur votre ferme améliorée. M. Donald McKay est le seul au Canada qui se soit donné la peine de répondre à mes lettres et, en conséquence, la seule personne avec qui je corresponds. Il m’informe dans sa dernière lettre que M. Legg vient de revenir de Demerara et que Rachael était à la veille de se marier lorsqu'il y eu un soulèvement, horrible à raconter.
Les salaires des manœuvres vont de 25 à 40 dollars s'ils ne sont pas logés et un homme et sa femme obtiennent facilement 50 dollars. Une bonne femme peut gagner beaucoup plus qu’un homme dans ce pays, en général. Je dois terminer ma lettre parce que la goélette attend au quai d'appareillage en face de ma porte pour prendre le courrier à bord.
Note : Je vous prie de présenter mes salutations à tous nos amis et de me rappeler au bon souvenir de vos amis de Buffalo et d'offrir mes condoléances à Joe, une réelle affliction, la perte d’enfants aussi gentils que les leurs. Vous savez que je ne suis pas en mesure d’apprécier les enfants, mais j’avais un faible pour eux, qui étaient si gentils et beaux. J’espère que toute votre famille se porte bien. Jamie doit être tout un jeune homme, maintenant. J’espère pouvoir vous rendre visite d'ici 5 ans, si je vis encore, car je m’attends à ce qu’un chemin de fer soit passablement avancé pour relier cette côte à celle de l’est.
Très sincèrement
Jonathan Begg
Balmoral Nursery
Salt Spring Island
Près de Victoria, I. V.
23 nov. 1862
Chers amis,
Ce soir, durant quelques minutes, j’ai pris la plume pour vous informer que je suis encore dans mon état de bonne santé habituelle, à l’exception d’une toux causée par le rhume attrapé dans les régions glacées de Carraboo, j’ai été en santé, ici. Depuis que je vous ai écrit la dernière fois, une grande émigration s’est déversée dans cette colonie. De grands navires arrivent chaque semaine, de toutes les parties du monde, chargés de passager et de marchandises. Les capitalistes anglais se sont mis à investir dans cette colonie et cela a entraîné l’érection d’immenses entrepôts, quais, etc., en ville ainsi que la construction de scieries etc. dans l’arrière-pays.
Je suis revenu à temps de Carraboo, ce fameux district aurifère, après avoir voyagé quelque 1 500 milles avec mes couvertures et mes bagages sur le dos. L’expérience que j’ai connue durant 3-4 mois remplirait un volume intéressant. J’ai emballé des plants de choux directement dans les mines et je les ai également plantés. J’aurais dû tirer un profit de 2,50 $ par plant si je n’étais pas devenu affamé avant qu’ils n’arrivent à maturité. Je suis allé là en compagnie d’une personne qui devait me fournir des provisions tout l’été, mais qui n’a pas pu respecter son entente en raison de la rareté des provisions et j’ai dû retourner après avoir enduré de grandes misères et bien peu de profits, sauf pour certaines commandes que j’ai récoltées en m’en revenant. Toutefois, il suffit de savoir que je progresse régulièrement dans mes travaux auprès de la colonie. Ma propriété acquiert plus de valeur chaque jour et mes moyens financiers s’accroissent régulièrement. Je suis maintenant en mesure de satisfaire la demande de la Colombie-Britannique en ce qui a trait aux jeunes arbres fruitiers produits dans ma propre pépinière. J’en ai vendu une grande quantité, cette saison, de ma propre production, et le commerce s’accroît chaque année. Je m’attends à pratiquer 50 000 greffes, cette saison et à planter près de 1000 arbres fruitiers. À propos des arbres, le fait de lancer cette entreprise ici, a été un vrai succès. Il est surgi une très grande demande locale en raison du grand nombre de colons qui s’établissent en même temps sur des territoires sauvages. Au Canada ou dans les États du nord vous ne voyez pas la croissance des arbres fruitiers que nous connaissons ici. Cette saison, j’ai eu des prunes sur des branches de 7 pieds en longueur et de 1 pouce en épaisseur et des pommes d’un pommier de 2 ans, aussi grosses que celles d’un pommier de 3 à 4 ans au Canada. J’ai des arbres de 12 pieds en hauteur, bien proportionnés que j’ai plantés petits, il y a trois ans.
Vous verrez par ce qui précède que c’est un pays où on peut faire pousser les choses. J’ai vu des tomates mûrir en août quand je passais à Williams Lake qui se trouve à 3000 pieds au-dessus du niveau de la mer et 300 milles au N.-E. de New Westminster. Il y a beaucoup de bonnes occasions en agriculture dans ce pays; en fait, aucun pays de l’univers n’offre rien de semblable. Je connais des fermes qui ont tiré des profits nets de 30 000 dollars. Je connais certains fermiers qui ont fait 10 000 $ à couper et à engranger du foin sauvage, sur une période de 6 semaines. L’orge et l’avoine pour le fourrage rapportent 20 à 25 cents la livre et ça me coûte 4 dollars 1/2 la nuit, à certains endroits pour nourrir un cheval. Quand vos prix d’Iowa pourront-ils se comparer? Aucun pays ne présente autant d’occasions pour un homme travaillant.
Cette saison a été remarquablement douce, jusqu’ici. Cela ressemble plutôt au temps de septembre qu’à quoi que ce soit d’autre.
Je remarque ce que vous dites à propos de revenir pour me marier, etc. C’est là le hic, je ne puis pas me résoudre à quitter mon si beau Balmoral pour une raison aussi folichonne maintenant, car mes affaires vont me retenir, en dépit de tout encore un an ou deux. Il est difficile de trouver une personne compétente pour gérer ses propres affaires dans cette région aurifère où tout le monde est en mouvement. En dernier ressort, il serait peut-être mieux que vous me trouviez une femme, que vous la mettiez dans une boîte et que vous me l’envoyiez par express. Sûrement que la guerre a décimé le pays suffisamment pour tenter la chance de trouver une veuve intéressante si on ne trouve pas une fille non mariée. Je suis maintenant prêt pour le mariage, d’un point de vue mondain. J’ai tout ce qu’il faut pour garder une femme en tout confort.
La ville de Victoria s’agrandit rapidement. On élève de grands entrepôts en pierres et en briques dans toutes les directions et on a déjà construit un grand nombre de rues. Ce sera bientôt une des principales villes du Pacifique. Je crois que tu as raté ta mise en restant à cette place pauvre d’Iowa où tu travailles comme un fou à la culture du maïs que tu revends presque pour rien. Il y a plein de bonnes terres à exploiter ici, dans les emplacements favorables, à 41 par acre et 4 ans pour le payer. Ce printemps a amené des vagues de Canadiens à cette côte dont plusieurs ont fait venir leur famille et sont maintenant des résidants permanents parmi nous. Et, parmi eux qui aurais-je pu rencontrer ce printemps sinon James Cummings flânant dans les rues de New Westminster. J’ai été un peu surpris quand je l’ai vu. Il m’a informé que son père était décédé depuis quelques années.
Cette colonie a une grande destinée. Il est probable qu’elle acquière tôt une importance commerciale. Elle a un bon climat, d’excellentes ressources agricoles et des mines qui ne peuvent pas être épuisées d’ici un siècle. Mon voyage aux mines, cette saison, a réglé tous les anciens doutes que j’avais à ce sujet. J’ai vu certains mineurs sortir ce qu’on considérerait comme une bonne année de travail, à chaque pelletée de terre qu’ils extrayaient de la fondation rocheuse.
Toutefois, je puis vous assurer que ce n’est pas tout l’or qui scintille. Les mineurs endurent des épreuves qu’on ne peut imaginer en matière d’approvisionnement, etc. J’ai vécu pendant des jours, à Carraboo, nourri aux fèves cuites sans porc ni sel ou toute autre substance que l’eau et les mineurs se sont nourris de ce seul régime durant des semaines, cet été, là-haut. J’ai payé 1,25 $ la livre pour les fèves et il n’y avait pas d’autre choix. Je me suis nourri seulement de fèves durant plusieurs jours, sans sel, ni sucre. Tôt dans la saison, on ne trouvait pas de farine, même à 150 la livre, lorsque j’étais dans les mines.
Les aventures de chaque mineur constituent un récit romantique et émouvant en soi. J’en ai eu ma part, sur cette côte, comme ailleurs. Une compagnie de chemin de fer vient tout juste d’être formée pour relier Victoria et Esquimalt Harbour sur une distance de 3 milles et on projette d’en construire une autre qui passerait par chez moi, en route pour Nanaimo. J’aimerais que les chemins de fer du Pacific Rail soient construits. Je pourrais alors vous rendre visite. Maintenant, on publie 3 quotidiens et certains hebdomadaires à Victoria. Un des quotidiens a une distribution presque aussi importante que le Globe. [à Toronto] J'ai des arbres fruitiers de 12 pieds en hauteur qui produiront d’importantes récoltes l’année prochaine, si je suis chanceux. Je suppose que tous vos garçons et vos filles ont atteint une bonne taille, j’aimerais beaucoup vous voir tous de nouveau, mais j’ai bien peur que ce plaisir soit repoussé encore, pour ma part. Vous pourriez m’envoyer votre fils aîné puisque vous pouvez certainement le laisser aller. Je lui fournirai une bonne éducation et je veillerai à tous ses besoins. Sauf pour m’envoyer une épouse par express, il n’y a pas un meilleur service que vous pourriez me rendre que de m’envoyer votre fils. Rappelez-moi aux bons souvenirs de Mme Chisholm mère et de votre sœur, Mme Gibbs ainsi que tous les autres amis. J’espère que Margaret est dans sa bonne santé habituelle, mais elle doit cesser d’augmenter la famille, sans quoi vous devrez rechercher une propriété sur le Pacifique. L’Iowa ne sera pas assez vaste pour contenir la famille. J’aurai plaisir à avoir des nouvelles du coin et celles de la famille, mais pas de nouvelles générales. Pour l’amour de Dieu, ne remplissez plus vos lettres de nouvelles générales, car je sais mieux et plus vite que vous ce qui se passe aux États-Unis. Vous oubliez que nous avons ici un télégraphe Atlantic et les nouvelles de Victoria, à 5 jours de New York.
Sincèrement vôtre,
Jonathan Begg
Victoria, I. V.
27 déc 1862
CONFIDENTIEL
Cher William,
Il y a longtemps que j’attends d’avoir des nouvelles de vous et celles de nos amis. Je me demande quand vous vous déciderez à m’écrire de nouveau je suppose que vous en avez tellement plein les bras avec cette question de guerre que vous n'avez pas le temps d’écrire. En effet, vous étiez un Américain et un républicain si enthousiaste, que je ne serais pas surpris du tout d’apprendre que vous faites partie de la liste des soldats patriotiques qui combattent pour la république –ajoutant probablement ma sœur à la longue liste de veuves produites par cette guerre. Dans votre dernière lettre, vous mentionniez que je devrais envisager le mariage, que je devrais aller vous voir et revenir avec une épouse. Je puis vous assurer que j’y ai songé sérieusement et bien que j’aimerais y aller, justement dans ce but, des difficultés insurmontables dans la gestion de mes affaires font en sorte qu’il m’est absolument impossible de quitter avant un an ou même deux.
J’ai maintenant construit une bonne maison pour recevoir une épouse et, dans 2 ans, j’espère être en mesure de vivre ma vie. Pour le moment, la vie difficile que je mène a fait de moi un homme extrêmement pratique et je traite toutes les affaires de ma vie de cette manière. Il ne faut donc pas vous surprendre de la délicate mission que je m’apprête à vous confier et qui consiste à me trouver une épouse. Dans ce pays, il y a plein de femmes et des belles, mais elles sont généralement gâchées avant d’arriver ici. En ce qui a trait au sujet mentionné plus haut – J’ai longuement pensé que je serais très heureux avec une femme modèle comme votre jeune sœur, Mme Gibbs, mais je crains qu’il y ait des difficultés insurmontables en ce sens qu’elle ne désire peut-être pas autant que moi ce partage de nos cœurs. J’avoue qu’elle est une des rares femmes que je puisse aimer et respecter tout au long de ma vie. La terrible calamité qui est arrivée à mon ami respecté M. Gibbs laisse toute la question de se remarier ou non – alors que votre mère est vivante, je sais qu’il serait cruel qu’elle se sépare de sa tendre fille et compagne de ses vieux jours – il existe donc ici une difficulté d’une nature des plus insurmontables. Si votre sœur voulait bien accepter ma main j’ai aimé Mme Gibbs quand elle était jeune fille, je l’ai admirée et je l’ai respectée comme si elle avait été mon épouse et je crois que mon bonheur serait complet s'il n'y avait ces difficultés sur mon chemin. Bien entendu, j’ai tellement peu de vos nouvelles que je suppose que les choses ont bien changé par rapport à ce que je suppose ou ce à quoi je m’attends. Je crois donc que je fais mieux de laisser l’affaire entièrement entre vos mains. Si une fille dévouée pouvaient quitter un parent âgé et venir à une terre distante comme celle-ci, je saurais quoi faire, mais je crains avoir eu tort de même proposer l’affaire. Je laisse le tout entièrement entre vos mains. Si vous croyez que cette proposition nuirait au confort, au bonheur ou à la joie de vivre de la mère âgée, oubliez tout; par contre si la chose était compatible avec la paix d’esprit de la vieille dame, alors sentez-vous libre de présenter ma proposition de mariage à Mme Robin Gibbs, votre sœur, si elle peut supporter un voyage autour de la moitié du globe pour le foyer que je pourrais lui offrir.
Maintenant, ce qu’il me reste à dire est que, dans quelques années, il n’y aura pas de distance entre nous puisque, comme vous devez le savoir, le chemin de fer Pacific raccourcira bientôt la distance qui nous sépare et la transformera en simple voyage d’agrément. C’est une saison magnifique et un climat merveilleux. Au moment où j’écris, le temps est comme en juin. Le soleil est sorti aujourd’hui, comme un jour de juin. Le pays se remplit rapidement et on occupe les terres avec rapidité. J’ai clôturé 20 acres qui sont en culture partielle. J’ai planté 4000 arbres fruitiers et ils étaient prêts pour le marché, cette saison. Je vous envoie des coupures de nos nouveaux journaux. Transmettez mes meilleurs souhaits à votre mère et à votre sœur, Mme Gibbs et faites-moi part de leur bien-être lorsque vous me répondrez. J’espère avoir de vos nouvelles dans un avenir rapproché. Je veux dire des nouvelles locales. Ne remplissez pas vos lettres de nouvelles dépassées. Je sais tout ce qui se passe, mieux que vous, et je le reçois plus vite, de New York.
Sincèrement,
J. Begg