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Salt Spring Island Colombie-Britannique 1895

Depuis que le Canadien Pacifique a traversé les Montagnes Rocheuses en 1885, Victoria, située sur l’île de Vancouver et capitale de la Colombie-Britannique, est devenue très connue des voyageurs, autant des régions de l’est du Canada que de l’Angleterre et de l’Europe. Les gens venant des régions froides et mornes du Manitoba et du Nord-Ouest où, en hiver, le thermomètre atteint souvent 30 et 40 degrés sous zéro et où le sol est enseveli sous la neige et infructueux durant au moins cinq mois sur douze, sont généralement ravis de découvrir, à Victoria et dans sa région, un climat doux comme celui de l’Angleterre où on peut labourer et travailler les champs plus ou moins durant tous les mois de l’hiver et où la population fermière, plutôt que de se plaindre de son triste sort et des difficultés à rejoindre les deux bouts, comme c’est souvent le cas de l’autre côté des Rocheuses, est contente, joyeuse et très satisfaite de son choix. Tout juste dans le voisinage immédiat de Victoria, soit dans un rayon de quatre ou cinq milles du centre de la ville, la terre agricole est dispendieuse et pas facile à trouver pour moins que 200 $ ou 300 $ l’acre; mais pour les personnes qui désirent vivre de l’agriculturet qui ont peu de capital à investir, il leur est possible d’obtenir une grande concession de terre dans le district de Cowichan, à travers lequel le chemin de fer Esquimalt et Nanaimo Railway parcoure une distance de 78 milles à partir de Victoria, ou, s’ils le préfèrent, ils peuvent obtenir des terres sur une des nombreuses îles situées tout juste au nord de la ville, dans le détroit de Georgia. C’est d’une de ces îles dont nous parlons maintenant, soit Salt Spring Island, la plus grande et la plus attrayante du groupe, située tout juste au nord de la péninsule Saanich, et occupant une position des plus centrale en ce qui a trait à la communication par vapeur et aux installations commerciales – ayant la ville de Victoria à 40 milles au sud, Nanaimo, le centre du district du charbon, à 30 milles au nord et les villes de Vancouver et New Westminster à seulement quelques heures de distance sur l’eau, vers l’est. On peut également atteindre Victoria et Nanaimo par le chemin de fer; un parcours de quelques milles dans un petit bateau permet de se rendre à la station de chemin de fer de Chemainus ou Sidney.

NOM ET RÉGION.

À l’origine, sur les cartes maritimes de 1858, cette île était connue sous le nom « Admiral Island », nom qui a été abandonné ces dernières années et l’île est maintenant appelée Salt Spring Island ce qui est utilisé sur les cartes les plus récentes en raison des sources salines qui sont au nombre de 14 ou 15 sur l’île et qui en justifient le nom actuel. Sa longueur est à peu près la même que celle de l’Isle de Wight, soit 18 milles, mais sa superficie est moindre à cause des nombreuses baies profondes et ports qui ramènent sa largeur de neuf ou dix milles à moins de deux milles dans les parties les plus étroites. La surface entière de l’île est d’environ 45 440 acres dont dix à quinze milles acres conviennent à l’agriculture, le reste étant plutôt rocailleux et ne convenant qu’à l’élevage du mouton. Actuellement, 105 fermes sont occupées et environ 6 pourcent de la superficie de chacune est cultivée.

ASPECT PHYSIQUE ET PRODUCTIONS NATURELLES

L’Ile de Vancouver et les petites îles qui l’entourent, dont Salt Spring, sont sans doute les vestiges d’une chaîne de montagnes submergées et elles sont décrites géologiquement, dans un rapport publié récemment par le gouvernement, comme « un groupe de rochers gneissiques renversés, rejoignant certaines régions tertiaires et usées par l’action des glaciers de sorte qu’on retrouve par endroits de grandes moraines de gravier, à d’autres des lits de till alors qu’ailleurs, on retrouve une série régulière de grès récent qui alternent avec des falaises dénudées de trapp. » Sur cette surface peu prometteuse, des générations de sapins ont grandi et, en pourissant, ils ont produit une mousse toujours plus épaisse dans laquelle diverses formes de végétation ont planté leurs racines, de sorte que le pays est maintenant couvert, presque partout, par une forêt dense :-les sapins Douglas et l’épinette blanche, dont plusieurs font plus de 200 pieds en hauteur et plus de 20 pieds en circonférence à la base, poussent sur les crètes et les pentes; les cèdres (Thuja gigantea) de même hauteur et de même tour, et la pruche dans les terres basses et les marais; l’aulne (Alnus Oregona) et les saules sur les tills alors qu’ici et là, éparpillés parmi les autres arbres, on retrouve des érables argentés aux belles grandes feuilles digitées vertes en été et dorées à l’automne. Près de ces arbres, ici et là, sur le sol sec graveleux, des bouquets de chênes aux branches noueuses et au tronc sans valeur commerciale; et, le long de la côte ou longeant les berges des ruisseaux, s’élèvent les membres rouges et dénudés des arbousiers dont l’écorce est pelée ou en train de se peler. À Salt Spring Island, tous ces habitants de la forêt sont bien représentés; en tête le sapin Douglas, le sapin baumier et le cèdre. On coupe une importante quantité de sapin Douglas chaque année pour alimenter les scieries et des milliers des arbres plus petits sont expédiés au Mexique, en Australie et en Afrique pour servir de supports dans les mines, puisqu’il n’y a aucun autre bois aussi résistant et aussi durable qui convienne à cet usage. En effet, le sapin Douglas de la côte du Pacifique jouit d’une réputation mondiale en raison de sa flexibilité et de la tenacité de ses fibres et est peut-être l’essence la plus recherchée pour la fabrication des mâts et des espars. Il ne pousse que dans la partie nord de l’Oregon, sur le territoire de Washington et en Colombie-Britannique et il atteint sa pleine taille uniquement près de la côte.

La surface de Salt Spring Island est une succession de collines et de vallées qui sont pour la plupart couvertes de forêts denses. Ses montagnes les plus élevées sont Mt. Erskine, au sud de Vesuvius Bay, d’une élévation de 1 599 pieds ; Mt. Baynes, un rocher escarpé qui surplombe Burgoyne Bay, d’une élévation de 1 953 pieds et sur le domaine Musgrave, dans la partie sud de l’île, Mt. Sullivan et Mt. Bruce, dont les élévations sont respectivement de 1 972 et 2 329 pieds. Des lacs d’eau douce, il y en a onze dont le plus grand est le lac St. Mary, à l’extrémité nord de l’île, d’une longueur de près de deux milles; Cusheon lake, à peu près au centre de l’île, un endroit favori pour les pêcheurs, étant bien fourni en ombles de fontaine de grande taille; et le lac Maxwell perché dans les montagnes et pas très fréquenté. Les plus petits lacs, Foord, Robert et Brown, ayant chacun près de dix acres en superficie, sont prisés pour leurs poissons abondants. Toute l’île a beaucoup d’eau avec ses sources et ses ruisseaux à truites, le principal ruisseau étant celui qui mène du lac Foord au port Fulford. En ce qui a trait aux dépôts miniers, il semble y avoir du minerai de fer, de l’or et de l’argent, ces deux derniers ayant été exploités dans une certaine mesure, il y a quelques années, dans la partie sud de l’île. À l’extrémité nord de l’île, il y a de minces couches de charbon qui apparaissent à la surface. Qu’on retrouve ou non une grande quantité de charbon plus en profondeur est matière à spéculation, mais la Vancouver Coal Co. s’est assurée d’obtenir quelque 500 acres de la terre qui paraît la plus prometteuse avec l’intention évidente de l’exploiter éventuellement. On a également trouvé du charbon sur l’île adjacente de Mayne et on creuse présentement un puit d’exploitation sur cette île. Aux environs de Vesuvius Bay et à l’extrémité nord de l’île, on trouve une pierre de construction de très grande qualité; la cale sèche d’Esquimalt a été construite en grande partie en utilisant cette pierre et on dit qu’il y a quelque 30 ans, une firme américaine en a exporté d’importantes quantités pour la construction de l’Hotel de la monnaie à San Francisco. On n’a pas encore trouvé de chaux sur l’île. Toutefois on y trouve de l’argile à brique de la meilleure qualité.

Ce qui suit est une liste des principaux arbustes, arbres ornementaux, fougères, herbes et fleurs qui poussent à l’état sauvage à Salt Spring Island :

ARBRES ORNAMENTAUX, ARBUSTES, ETC.

Spiroea discolor et Spiroea DougIasii, sont tous les deux très communs, un qui produit un bouquet de fleurs blanches, l’autre qui produit des fleurs rouges; son bois est très dur et bon pour faire des refouloirs, vulgairement appelé « Hardak » par les Indiens; Sallal, ou gaulthérie Shallon, (Gaultheriashallon), un arbuste bas ressemblant au laurier, orné de feuilles sempervirentes brillantes et luisantes et de grappes de fruits bleu foncé, propre à la côte du Pacifique et qui croît partout, sous les arbres où la terre n’a pas été défrichée, aux racines en surface et facile à éliminer. Deux essences de cornouiller Cornus Nuttalliiand et Cornus Pubescens, les deux étant assez communs; le premier est un grand arbre couvert au printemps d’un flamboiement de bourgeons scintillants; l’aubépine dorée, le rosier sauvage, le pommetier à feuilles de prunier, la symphoricarpe (très commune), la mûre sauvage, la framboise, l’airelle myrtille, la ronce élégante, l’airelle rouge, le cassis d’Amérique (Ribes Lobbii), l’épine vinette (Berberis Nervosa), l’Oregon grape ou mahonia à feuille de houx (Berberis Aquifolia), le pittosporum ou lilas (Philadelphus multiflora), le genièvre.

Fougères.- Très répandue, la Pteris Aquilina (fougère aigle commune), pousse ici à des tailles prodigieuses, les plants étant de 8 1/2, 10 et même 11 pieds en longueur depuis la base de la tige jusqu’à la pointe de la fronde, les racines vont en profondeur de deux à trois pieds et c’est difficile de les éliminer; Aspidium Munitum (dryoptéride), verte tout au long de l’hiver; et Asplenium filixfoemina (la fougère femelle). D’autres fougères communes sont Adiantum pedatum (asplénie chevelue); Polypodium vulgare (polypode de Virginie), et Botrychium ternatum (moon-wort). On trouve rarement le Blechnum spicant (blechnum commun); Asplenium trichomenes (black spleen wort), et le Cheilanthes gracillima.

Fleurs.- Lilium Columbianum (lis), se trouve partout au début du printemps ; Collinsia ; Campanula (deux variétés, une blanche, l’autre, blanche teintée de bleu); Clarkia; Violet ; Michaelmasdaisy ; Sedum stenopetalum et Sedum spathulifolium (stone croft) ; Erythronium; Camassia (campanule fausse-raiponce); Calypso borealis (cypridide) et autres orchidées; Lupin, plusieurs variétés; Dodecatheon meadia (populage des marais) ; imulus moschatus (musc); Mimulus nasutus (mimule); Saxifraga; Fritillaria; Aster; Begonia (coleur rose) ; Agalea alba; Trillium (feuilles à senteur de foin), etc. ; ainsi qu’une espèce de cactus.

Herbes, etc.- Comme la forêt de l’île est dense presque partout, l’herbe naturelle ne pousse que par endroits, sur les corniches ou replats des flancs de montage ou plus bas, dans les marais adjacents ou entourant les petits lacs. Dans les marais d’airelle rouge, l’herbe « chete » pousse tellement densément qu’on peut en récolter deux tonnes à l’acre. Anciennement, le pois sauvage et la vesce sauvage poussaient en abondance, ce qui procurait un riche pâturage pour le chevreuil, mais depuis l’introduction de l’élevage des moutons sur l’île, il n’en reste que très peu. Au début de l’été, on trouve beaucoup de fraises sauvages.

ANIMAUX SAUVAGES ET OISEAUX.

Les animaux les plus gros sur l’île de Vancouver sont les ours noirs, la panthère, le loup gris, le castor, la loutre, le raton laveur, l’élan et le chevreuil à queue noire. Des premiers animaux sauvages mentionnés, on n’en trouve plus aucun sur l’île de Salt Spring, car ils ont été rigoureusement exterminés; mais le chevreuil, le raton laveur, le vison, le castor et la loutre de mer y sont encore en abondance et, pour ce qui est du gibier à plume, il y a une grande abondance de faisans d’Europe, de tétras sombres, de lagopèdes des saules et quelques colins de Californie et bécassines des marais. La saison de chasse au chevreuil commence le 1er septembre et se termine le 1er février, sujet à changement à chaque année. La chasse au phaisant et au tétras commence le 1er octobre et se termine le 1er février. On ne peut tuer et vendre que les chevreuils mâles et le même règlement s’applique aux faisans. Il est interdit de poursuivre le chevreuil à l’aide de chiens, mais il est permis de les traquer et on les tue généralement sans difficulté soit en utilisant une carabine ou un fusil chargé de chevrotines. Tout fermier de Salt Spring dispose de sa boucherie à sa propre porte arrière et il est rare que son garde-manger ne soit pas bien garni de venaison et d’oiseaux. S’il a trop de viande de chevreuil pour ses besoins, il peut généralement la vendre à un voisoin pour cinq cents la livre. Le tétras se vend à la ville entre 75 cents et 1 $ la paire. On ne peut pas vendre les faisans. Les peaux de chevreuil sont une vraie plaie sur le marché et ne rapportent que six cents la livre. Il y a une grande pénurie d’oiseaux-chanteurs sur le territoire et ce serait bien si on pouvait en importer, car il ne fait pas de doute qu’ils se porteraient aussi bien ici qu’en Angleterre. Il y a beaucoup de perdrix, ce sont de gros oiseaux ayant beaucoup de chair. Les plus omniprésents et malfaisants de la tribu ailée sont les geais bleus et les merles d’Amérique (une espèce de grive vraie). Ils consomment les cerises et les fraises, délogent les pois hâtifs dans les jardins, décrochent les pommes des arbres, déterrent les patates et causent tout le dommage qu’ils peuvent aux cultures céréalières. Quelques doses de strychnine constituent la meilleure, sinon la seule façon, d’enrayer leurs ravages. En ce qui concerne les reptiles, il y un nombre considérable de thamnophis ordinaire (Eutainia) qui est tout à fait innofensif, plusieurs espèces de grenouilles et de lézards et une espèce de gros crapaud (Bufo boreas) qu’on retrouve partout dans l’île. Les poissons qu’on retrouve dans les lacs et les ruisseaux sont l’omble de fontaine et la truite de mer; dans les baies d’eau salée, on prend le saumon, la rascasse, la morue charbonnière, la roussette et le poisson-chandelle (tous deux valables pour leur huile), la perche, le hareng, l’éperlan, la sardine, etc. À l’occasion, on voit les baleines souffler et les phoques de poil se sortir la tête de l’eau dans les baies et les ruisseaux qui ceinturent l’île. Durant l’hiver et au début du printemps, ces même baies et ruisseaux sont animés d’oiseaux d’eau de toutes sortes : l’oie sauvage, le canard colvert, butter-balls, le canard noir, la sarcelle d’hiver, la bernache cravant, l’érimature australe, le fuligule à dos blanc, le colibri tacheté, le canard branchu, le canard siffleur et le huard. Salt Spring Island est certainement un El Dorado pour le sportif.

L’AGRICULTURE.

Les grands champs de blé, les grandes étendues semées d’avoine, d’orge ou de légumes racine ne se retrouvent pas sur l’île de Salt Spring, ni d’ailleurs sur l’île de Vancouver. Lorsqu’on a traversé les Montagnes Rocheuses, qu’on a laissé la grande région du blé du Nord-Ouest et les grandes fermes des prairies, on trouve à leur place, de petits champs de grain et de légumes racine, des vergers, des poulaillers, des champs de foin dans les terres basses et du pâturage pour les moutons et les vaches à flancs de colline. Mais, bien que les fermes familiales soient beaucoup plus petites et qu’une partie considérable de chaque ferme semble être le côté ou la base d’une montagne couverte de forêt et parsemée de roche, il s’en dégage quand même un air de confort et de satisfaction, ce qui manque trop souvent dans les fermes des prairies. Ici, dans ces îles de la côte du Pacifique, le climat est doux et agréable, il n’y a pas à craindre un hiver intensément froid, de sécheresse durant l’été et il ne manque pas de combustible pour les mois froids. On est assuré que tout ce qu’on met en terre poussera et bien. Aucune bestiole du Colorado n’attaquera les patates, aucun gel d’été ou de début d’automne ne gâtera les céréales, le temps des foins et des récoltes est toujours sec et chaud de sorte qu’on peut engranger dans des conditions presque invariablement bonnes. Il n’est pas nécessaire de se presser pour faire les travaux d’automne puisqu’on peut labourer presque n’importe quand au cours de l’hiver. On ne s’inquiète pas d’avoir à abriter les animaux par temps froid; les moutons pourront généralement passer l’hiver dehors et les vaches ont besoin d’être abritées et nourries seulement durant une courte période. Une ferme sur la côte du Pacifique ne rapportera peut-être pas une fortune à son propriétaire, mais elle lui permettra de gagner sa vie et d’élever sa famille avec relativement d’aisance et de confort. Dix ou quinze acres, un verger, un poulailler, une vache ou deux, en Colombie-Britannique procure probablement plus de soutien que cent acres dans les prairies du Nord-Ouest.

Les plus grands fermiers et propriétaires terriens, dans le moment, à Salt Spring Island sont M. Joel Broadwell qui possède 1 260 acres. Il cultive la terre adjacente à sa maison et il garde un certain nombre de moutons dans ses montagnes. M. A. Walter, qui possède l 000 acres, concentre ses activités en production laitière et en élevage de moutons. M. H. Ruckle possède 1 000 acres, dont près de 40 sont présentement en culture. Il croit à l’agriculture mixte et il a des vaches, des moutons, des cochons, des dindes et des poules. L’automne dernier il a récolté 250 boisseaux de blé, 100 boisseaux d’avoine, 200 boisseaux de pois, 20 tonnes de foin, 60 tonnes de rutabagas et six tonnes de patates. M. W. E. Scott possède 700 acres, dont 60 en culture. Il a des vaches, des moutons, des cochons et de la volaille et, en plus de récolter des céréales et des patates, l’année dernière il a récolté environ 50 tonnes de foin. M. Edward Lee possède 400 acres et, avec l’aide de son frère, M. T. Lee, il en cultive 150. L’année dernière, il a récolté 700 boisseaux de blé, 50 tonnes de foin et 75 tonnes de patates. M. W. Robertson possède 2 500 acres dont la plus grande partie est en terrain montagneux et ne convient qu’à l’élevage du mouton. Capt. Trench, un non résident, possède également un grand ranch pour moutons d’environ 4 000 acres dans la partie sud de l’île, anciennement connu sous le nom de domaine Musgrave; c’est pratiquement tout de la montagne. M. J. P. Booth possède 350 acres dont près de la moitié est présentement en culture. Il possède un nombre considérable de vaches et de moutons et près de 300 poules. M. Jos. Akerman possède 355 acres et il garde également des vaches, des moutons et de la volaille. M. Fred. Foord possède 410 acres en bordure d’un pittoresque petit lac qui porte son nom. Près de 60 acres de sa terre est maintenant défrichée et plus ou moins en culture et il garde des vaches, des moutons, des cochons et des poules. M. T. W. Mowat possède 350 acres et il en cultive environ 50. Il concentre ses activités dans la production laitière et l’élevage des poules; il a 10 vaches pur sang et environ 200 poules. M. J. Maxwell possède 400 acres, en cultive 50 et il a environ 600 moutons. M. Ed.Walter, évaluateur du district, possède environ 400 acres, M. C. Tolson, 300, deux propriétés de valeur en bordure de Ganges Harbor. Messieurs Trege et Spikerman possède 839 acres dont la plus grande partie est une ferme de moutons, mais leur principal revenu provient de la culture des fruits. M. A. McLennan possède 410 acres et, avec l’aide de ses jeunes fils, il en cultive environ 17. Il croit en l’agriculture mixte et à l’élevage des poules.

Il y a d’autres fermiers qui n’ont pas autant de terre, mais qui réussissent quand même très bien leur exploitation agricole; parmi eux se trouvent M. H. Stevens, propriétaire de 100 acres et d’un des plus beaux équipages de l’île. M. John Norton qui possède 200 acres et qui en a environ 40 en culture. L’année dernière, il a récolté environ 200 boisseaux d’avoine et de pois et environ 30 tonnes de foin, en plus de 16 ou 17 tonnes de patates, carottes et betteraves champêtres. M. S. Connery est propriétaire de 166 acres dont environ 40 sont plus ou moins en culture. Il a 12 têtes de bétail et l’année dernière, a récolté environ 35 tonnes de foin et 20 tonnes de légumes racines.

Parmi les plus prospères fruiticulteurs, se trouvent Messieurs Trege et Spikerman, qui ont un verger de 1 6oo arbres. Certains de leurs « Canada a Reinettes » sont particulièrement beaux à voir lorsqu’ils sont chargés de fruits, avec les branches qui plient, supportées par un double cercle de poteaux et d’anneaux; 24 boîtes (de 50 lb chacune) est une récolte fréquente pour un seul arbre. Ils considèrent la Canada Reinette et la Blenheim Orange comme étant leurs deux meilleures pommes. M. W. E. Scott a 1 200 pommiers dont une grande proportion plantés tout récemment. M. Ruckle possède un verger d’environ 600 arbres mûrs. M. Booth a environ 300 arbres. M. McLennan 350. M. Akerman 300. M. Lee 250. D’autres fermiers ont entre 50 et 200 arbres, environ, dans leur verger. M. A. A. Berrow exploite une pépinière bien ordonnée où les arbres fruitiers, les arbres ornementaux et les arbustes les mieux choisis sont offerts à des prix très abordables. C’est à M. Berrow que l’auteur de cet article est redevable pour les noms des fleurs, des fougères etc. qui poussent à l’état sauvage sur l’île.

L’opinion générale, en ce qui a trait à la nature de l’exploitation agricole la mieux adaptée à l’île, se résume dans les notes suivantes :

1. À propos des fruits.-L’île est particulièrement propice à la culture des pommes, des poires, des prunes et des cerises. Les pommes et les poires poussent bien sur la vase alluviale rouge à sous-sol marne, les cerises poussent mieux si le sous-sol est croûté, les prunes poussent mieux sur les terres basses noires. Les pommes et les poires poussent également bien sur les terres basses si ces dernières sont bien drainées. Les fruits favoris sont (dans le cas de la pomme) :-Baldwin, Canada Reinette, Blenheim Orange, Wealthy (pour conserver l’hiver), Duchess of Oldenburg, Gravenstein (pommes d’été); (dans le cas des poires) :-Bartlett et Vicar de Winkfield; (dans le cas des prunes) :-Yellow Egg, Greengage, Magnum Bonum; et M. Trege recommande également sa « Pawn-seedling » qui devient deux fois plus grosse que la prune ordinaire de la taille d’un œuf et qui est probablement la prune la plus grosse qui existe. Certains cultivent également des prunes pour en faire des conserves; (dans le cas des cerises), la favorite semble être la « Governor Wood »" M. Foord a de belles cerises qui mûrissent en septembre et, arrivant si tard, elles commandent un prix élevé. Il les appelle les « September Morellos »; (dans le cas des pêches) Les pêches, les abricots et les raisins ne mûrissent que dans un milieu abrité et chaud. Tous les petits fruits croissent d’une manière luxuriante et donnent de grandes récoltes : groseilles rouges, cassis, groseilles à maquereau, framboises, mûres sauvages et fraises. Les plants de framboise peuvent atteindre une hauteur de plus de huit pieds et portent des fruits particulièrement beaux. Le cassis et les groseilles à maquereau sont les favoris et avec mostas ils sont les plus faciles à mettre sur le marché sans risque de se gaspiller. Les framboises poussent à la tonne sur l’île mais la difficulté qui se présente dans la mise en marché est de les vendre juste au bon moment, ce qui est une contrainte. Les coings, les chataîgnes, les noix et les noisettes poussent bien également.

2. À propos des céréales. Elles poussent toutes bien en autant que le sol est cultivé et bien drainé. Le blé ne paie pas, en raison de son prix actuel; on le cultive en petites quantités comme nourriture pour les poules. L’orge n’est pas en demande. L’avoine est rentable. Les pois, la récolte favorite, qui convient particulièrement à une terre fraîchement défrichée et qui sert principalement à nourrir les cochons. Le maïs pousse et mûrit bien. Plusieurs le coupent vert comme culture fouragère.

3. Les légumes racines.-Les patates poussent bien et c’est une récolte payante : un rendement de quatre à 10 tonnes à l’acre. Le rutabaga produit 12 tonnes à l’acre. On ne plante pas tellement de Marigolds dans le moment. Toutes les sortes de légumes du potager poussent bien et en grandes quantités. Le sol clam-shell qui se retrouve à plusieurs endroits, ici et là, particulièrement près de la rive, produit des fruits et des légumes particulièrement beaux.

4. La récolte de foin est invariablement un succès. L’herbe et le trèfle coupés donnent entre deux et trois tonnes à l’acre. Sur les nouvelles terres, on sème généralement de la semence « Cocksfoot » parce qu’elle est résistante et qu’elle occupe son terrain parmi les fougères et les mauvaises herbes, mais lorsque la terre est bien cultivée on préfère la semence « Timothy ». Les trèfles favoris sont les Red, White Dutch et Alsike.

5. L’élevage du bétail.-Puisque le foin et les légumes racines poussent facilement et qu’en général, les hiver sont doux, il va de soi qu’il est payant de faire l’élevage du bétail et du mouton. La ferme laitière est très rentable, certains fermiers produisent jusqu’à 1 000 lb de beurre par année. Les cochons rapportent particulièrement bien. Les races favorites de vaches laitières sont : Holstein et Jersey ; de moutons : Southdown et Shropshire ; de cochons : Berkshire.

6. La volaille.- Sur l’île, on élève des dindes, des oies, des canards, des poules et des pintades de Numidie. Les femmes des fermiers sont unanimes à dire que les poules sont rentables, mais qu’il est plus payant de vendre les œufs que d’élever de jeunes oiseaux. Une bonne poule rapporte à son propriétaire entre 1 $ et 1,50 $ par année. Les espèces favorites sont les Leghorns, Spanish et Plymouth Rock. Plusieurs personnes ont eu beaucoup de succès avec les dindes. Ceux dont la ferme est en bordure de mer gardent des oies qui se nourissent à même ce qu’elles trouvent sur les berges et sont donc très rentables. Le bétail tout comme la volaille ne souffrent d’aucune maladie à Salt Spring Island.

M. Jos. Akerman dit :-« Je vis sur l’île depuis 30 ans. Les hivers sont plus doux ici que sur l’île de Vancouver. Souvent, ils ont trois ou quatre pieds de neige alors qu’ici on en a à peine de la poudre. Quiconque viendrait du Vieux Pays avec une famille ne pourrait pas trouver une meilleure place où vivre. Les récoltes sont toujours certaines. Je n’ai jamais vu de défaillance dans la récolte fruitière. Deux ans sur trois les arbres sont surchargés et les branches cassent. Autre avantage, on a de la viande de chevreuil à la portée de la main. Quelqu’un qui tire bien et qui connaît les bois peut sortir un chevreuil par jour, en moyenne. »

M. Theodore Trege dit :-« Je suis sur l’île depuis 30 ans. Le climat est bon. Tous ceux, sur cette île, qui pouvaient travailler et qui voulaient travailler ont bien réussi. Les arbres fruitiers poussent beaucoup plus rapidement ici que dans le Vieux Pays. Ils vont porter des fruits dès la quatrième année alors que dans le Vieux Pays il fallait attendre la septième ou la huitième année. »

M. Fred. Foord dit:- « Je suis arrivé à Salt Spring Island en 1864. Pour ce qui est de la fruiticulture, il n’y a aucun endroit pour battre la Colombie-Britannique. Les brises de la mer gardent les arbres en santé et rendent l’hiver doux. La neige ne reste jamais, ici et je n’ai peut-être jamais vu le thermomètre descendre sous zéro. Il y a rarement de température hivernale avant le 1er janvier et alors, ça ne dure pas longtemps. »

M. T. W. Mowat dit:- « Je considère que ma ferme a plus de valeur qu’un salaire de 80 $ ou 85 $ par mois à la ville. Mon poulailler seul paie ses frais et nous fournit en farine et en épicerie, ce qui est très bien pour une famille de dix. Je considère que la volaille et l’expploitation laitière sont les deux formes les plus rentables d’agiculture. Nous avons des vaches Jersey et des poules Leghorn et Spanish. Je vends mes produits principalement à Nanaimo. »

M. H. Ruckle dit:- « Un homme qui comprend l’agriculture et qui a un peu de capital réussira aussi bien, sinon mieux, que n’importe où en Amérique du Nord. Nous occupons une position très centrale par rapport aux marchés. Le lait et les poules paient le mieux et la fruiticulture est également très rentable. Auparavant, je vivais en Ontario, et je considère qu’on peut mieux réussir ici que là-bas. La principale difficulté, c’est le défrichement. »

Les prix du marché obtenus pour les produits de la ferme à Victoria ou à Nanaimo (expédiés par le S.S. Joan) sont environ comme suit :-blé, 25 $ la tonne; avoine, 28 $ la tonne; pois, 30 $ la tonne; foin, 14 $ la tonne; patates, 17 $ à 20 $ la tonne; navets, $6 la tonne; veaux (6 semaines), 8 $ à 10 $ chacun; agneaux (jeunes), 4,50 $ chacun; jeunes cochons (6 semaines), 2,50 $; dindes, 1,50 à 2,50 $ chacun; oies, 1 $ à 1,50 $; canards, 7 $ à 8 $ la douzaine; poules, 5 $ à 6 $ la douzaine; oeufs, 20 à 40 cents la douzaine (expédiés en bôites contenant de 30 à 36 douzaines); beurre, 25 à 35 cents la livre; laine, 10 cents la livre; pommes, 2 cents la livre; poires, 2 cents la livre; prunes, 2,5 cents la livre; cerises, 4 cents la livre; framboises, 5 à 8 cents la livre; groseilles à grappes, 8 à 10 cents la livre; cassis, 7 à 10 cents la livre; groseilles à maquereau 10 cents la livre ; framboises, 8 à 10 cents la livre; mûres, 8 à 10 cents la livre.

HISTOIRE GÉNÉRALE.

Les premiers colons blancs à s’installer sur l’île ont été M. J. P. Booth, le présent député et M. H. Sampson, ancien employé de la Compagnie de la Baide d’Hudson à Fort Rupert. Ces deux messieurs, avec plusieurs autres qui sont mort depuis ou ont quitté l’île, sont arrivés en août 1859, et ils y résident encore avec leur famille. Ils sont arrivés à bord d’une goélette qui, à l’époque, naviguait entre Victoria et les mines de charbon nouvellement découvertes de Nanaimo; ils ont trouvé l’île totalement inhabitée, sauf pour la visite occasionnelle d’Indiens errants ou de passage. Conformément à la proclamation du Gouverneur Douglas, tout nouveau colon avait le droit de se choisir de la terre, n’importe où, et on lui garantissait que lorsque cette terre occupée serait mise en vente, il aurait le droit de la réserver pour une somme ne dépassant pas 1,25 $ l’acre. C’est ainsi que messieurs Booth et Sampson, et d’autres avec eux, ont chacun choisi et délimité leurs terrains. Durant une longue période, la vie sur l’île était très rude et ils avaient beaucoup à faire; toutes les provisions étaient transportées depuis Victoria (une distance de 40 ou 50 milles de l’île) en canot ou en petit bateau. Les Indiens étaient dangereux et seules les visites fréquentes de la cannonière « Forward » les mettait en échec. Plusieurs vols et même des meurtres ont été commis et il arrivait souvent de voir des batailles navales miniatures se produire entre les canots de guerre de tribus opposées. Dans ce temps là, les panthères et les loups foisonnaient dans l’île et empêchaient tout élevage de bétail ou de moutons. Un homme raconte comment lui et son père ont tué neuf panthères en quelques semaines, un automne et le hurlement des loups était un dérangement constant la nuit. À ce moment là, il y avait également quelques ours sur l’île et ils s’approchaient des cabanes en bois rond des fermiers et tuaient leurs cochons devant la porte même des cabanes. Un jour un colon tira un oiseau depuis le seuil de sa maison, son petit chien courut pour l’attraper, une panthère est sautée sur le chien, le colon a frappé la panthère avec la crosse de son fusil, mais la panthère n’a pas lâché prise et s’est échappée dans les bois avec sa proie. Mais les panthères, les loups et les ours ne sont plus une terreur maintenant; les propriétaires de bétail leur ont mené une guerre déterminée en les tirant, en les trappant et en les emploisonnant, après un certain temps, ils ont été exterminés et si jamais l’un d’eux avait l’audace de nager depuis l’île de Vancouver, on faisait une collecte parmi les colons et on offrait une prime pour le tuer ce qui, avec la prime de 7,50 $ du gouvernement, suffisait à lancer les meilleurs chasseurs dans une poursuite immédiate et l’animal était très rapidement éliminé.

À peu près au même moment que les premiers Blancs sont arrivés sur l’île, il est également arrivé un certain nombre de Noirs en provenance des États-Unis et plusieurs d’entre eux y sont encore résidents. Certains des premiers colons blancs ont épousé des Indiennes et il en est résulté toute une petite colonie de métis. Un des résidents décrit comment, il y a près de 20 ans, il n’était pas rare de voir, durant les mois de mai ou de juin, les rives du port Ganges fourmillant d’Indiens, 500 ou plus dans leur longs canots à forme curieuse, tirés sur la plage, pendant qu’ils creusaient, rôtissaient et conservaient des palourdes. Le fait que ces visites au même endroit doivent se produire depuis des siècles est démontré par la grande profondeur du sol abritant ces écailles de palourdes, trois, quatre et même autant que sept pieds en profondeur par endroits, avec des arbres de 200 ans ou plus qui y poussent; en effet, la théorie de notre informateur voulant que « les Indiens rôtissaient des palourdes ici, dans le port de Ganges pendant que Moïse écrivait le Pentateuque sur le mont Sinaï. » ne serait peut-être pas complètement sans fondement. Selon sa description, le processus de conservation des palourdes était le suivant : Sur la berge, sur la terre qui appartient maintenant à messieurs Scovell, Mahon et Scott, ils creusaient le sable mouillé pour en extraire les coquilles en utilisant un morceau de fer ou un baton de hardak au bout durci par le feu. Ils creusaient ensuite un certain nombre de trous dans la plage chacun d’un diamètre d’une verge ou d’une verge et demi et d’environ 18 pouces en profondeur. Dans ces trous, ils plaçaient du bois et allumaient des feux dans lesquels ils lançaient ensuite des roches. Sur les roches réchauffées, ils vidaient les coquilles de palourde qu’ils avaient cueillies, des boisseaux et des boisseaux de coquilles qu’ils couvraient ensuite de tapis et de sacs. Quand ils enlevaient les tapis, les coquilles étaient toutes ouvertes et les palourdes, partiellement cuites. Venait ensuite l’écaillage qui consistait à extraire la palourde de sa coquille. On se procurait ensuite de longs batons minces et on y enfilait les palourdes, on pliait les bâtons en anneaux et on les suspendait au-dessus du feu pour finir de les cuire. Elles étaient très tentantes et prêtes pour le marché. Ce dont les Indiens n’avaient pas besoin pour leur consommation, ils le vendaient ou l’échangeaient avec les Indiens de l’intérieur. Dans le port de Ganges, les Indiens avaient également l’habitude de prendre des quantités énormes de hareng, durant la saison. Ils sortaient dans leurs canots et, à l’aide de longs bâtons plats de 12 ou 13 pieds, taillés comme des avirons et ayant des clous plantés dans les rives, ils ramassaient les harengs par centaines et les jetaient dans leurs canots. Lorsqu’ils atteignaient la berge, ils montaient un long cadre de tiges de quatre ou cinq rangées une au-dessus de l’autre, sur lequelles ils accrochaient les harengs pour les laisser sécher au soleil. Ils plaçaient également des branches de cèdre dans l’eau sur lesquelles les harengs pondaient leurs œufs et après séchage au soleil, les œufs de hareng constituaient le principal article de commerce avec les Indiens de l’intérieur. Vers le mois d’août, les éperlans venaient dans le port en quantités considérables et, au cours de la saison de fraie, la concentration dans l’eau était telle, dans l’eau peu profonde, qu’on pouvait facilement les cueillir à la main ou ramenés à terre en utilisant un rateau de jardin ordinaire ou une binette. D’ailleurs, ceux que ça intéresse continuent de les cueillir de la même façon, en saison. La pointe, propriété de M. Ed. Walter, et appelée « the spit » était, d’habitude, une importante place de rendez-vous pour les Indiens. Un soir, il y avait tellement de cris, de hurlements et de coups de feu sur « the spit » que les colons dans le port étaient très effrayés, craignant que des Indiens du nord soient arrivés et qu’une bataille fasse rage. Toutefois, il s’est avéré, par la suite, qu’une meute de loups affamés avait attaqué les chiens des Indiens et que c’était la cause du tapage.

Parmi les premiers colons blancs de l’île qui vivent encore et dont nous n’avons pas encore parlé, se trouvent M. Norton et M. Robinson qui sont arrivés en 1860 et Messieurs Maxwell et Akerman, qui sont arrivés quelques années plus tard.

La première école érigée sur l’île est celle qui était située à l’endroit qu’on appelle maintenant la colonie Vesuvius; l’école d’origine a été construite peu après l’arrivée des premiers colons; par la suite on en a construit une autre, au même endroit, les deux étaient des cabanes en bois rond. Le premier enseignant était un homme de couleur nommé Jones. Il enseignait six jours par semaine, trois jours à la colonie et trois jours dans une cabane en bois rond à l’extrémité nord de l’île. La deuxième école mentionnée a maintenant été remplacée par une école moderne à ossature de bois, mais la vieille école est toujours là, tout juste à côté, et on s’en sert à l’occasioon pour des rencontres publiques ou pour les services religieux du dimanche. Il y a maintenant quatre écoles du gouvernement sur l’île : l’école de Vesuvius school, 28 élèves, enseignant M. R. Purdy ; l’école North End, 18 élèves, enseignante Mlle McKinnon ; l’école Valley, 24 élèves, enseignant M.A. W. Cooke ; école Beaver Point, 17 élèves, enseignant M. Geo. Kirkendale. Les élèves de ces écoles sont, pour plusieurs d’entre eux, très avancés; un bon nombre a réussi à l’examen d’admission aux études secondaires. Le salaire d’un enseignant est de 50 $ par mois.

Le premier pasteur à tenir un service religieux sur l’île a été le rév. Ebenezer Robson, de l’Église Méthodiste. Il prêchait dans la vielle école de Vesuvius, il y a trente ans. Après lui, sont venus les rév. Thomas Crosby et M. White, pasteurs de l’Église Méthodiste. Ils demeuraient à l’île de Vancouver et se rendaient à Salt Spring une fois par mois. Le premier ecclésiastique de la Church of England à servir le culte sur l’île a été le rév. M. Reece, un homme marié qui demeurait à Maple Bay sur l’île de Vancouver, et qui venait à Salt Spring une fois par mois. Il a commencé son pastorat il y a 26 ans, et est demeuré quatre ou cinq ans. Après lui, ce fut le rév. M. Holmes qui visitait les gens de l’île et, il y a neuf ans, le rév. Canon Dwyer a été nommé au poste. Il avait l’habitude d’arriver de Chemainus, sur l’île Vancouver, et de servir le culte aux quinze jours.Le rév. H. Kingham a été nommé responsable de la Mission, conjointement avec d’autres travaux à Vancouver, en 1887, et au cours de son pastorat, on a construit la belle petite église à charpente de bois de St. Mark (1889) sur un terrain donné par M.H. Stevens; elle se tient fièrement sur un cap rocheux et est un objet pittoresque; son coût a été d’environ 800 $, dont près de la moitié a été contribué par les colons. En 1887, une « Union Church » aété construite dans la vallée afin qu’elle serve autant aux Méthodistes, aux Presbytériens qu’aux membres de la Church of England. Les membres de cette dernière confession ont toutefois décidé de pratiquer leur liturgie dans l’école Valley et, au cours de la dernière année, 1894, ils ont érigé une belle petite église à charpente de bois, à environ un mille de l’école, à Fulford harbor, qui s’appelle St. Mary. De l’autre côté de Fulford harbor, se trouve une église catholique romaine, un bâtiment à charpente de bois érigée en 1884. Un prêtre vient de l’île de Vancouver, une fois par mois pour les offices religieux, la congrégation est principalement constituée de Métis. Les Méthodistes tiennent généralement leur service dans la Union Church et à la vieille école de Vesuvius, une fois par quinze jours. La Church of England est la seule qui ait un pasteur résidant sur l’île. Le premier, le rév. J. B. Haslam, est arrivé il y a environ trois ans et il est parti en janvier 1894, le présent titulaire, rév. E. F. Wilson, l’a remplacé. À la Church de England on offre maintenant des services régulièrement à St. Mark, St. Mary et à l’école de North End et occasionellement, à Beaver Point.

Salt Spring Island est située dans le district électoral de North Victoria, et a la satisfaction de compter parmi ses résidents, M. Booth, député de l’île qui a été réélu à la Chambre en juillet 1894. Il y a deux juges de paix sur l’île, M. A. Walter et M. Joel Broadwell ainsi qu’un constable, M. W. McFadden. La prison, un petit bâtiment carré, blanc, contenant une salle et deux cellules a été construite il y a un an et n’a été occupé qu’environ cinq fois : une fois pour vol de bétail, deux fois pour avoir tué du gibier hors saison et deux fois pour des batailles; cela en dit long sur l’aspect paisible de la collectivité. M. Broadwell garde les clés de la prison et les procès ont lieu dans le corridor étroit de la prison.

La population actuelle de l’île est estimée à 450. Un grand nombre de nationalités différentes sont représentées. Il y a environ, jeunes et vieux, 160 Anglais (ou Canadiens), 50 Écossais, 20 Irlandais, 22 Portugais, 13 Suédois, 4 Allemands, 2 Norvégiens, 34 Américains, 90 Métis, 40 Noirs ou Mulâtres, 6 des îles Sandwich, 10 Japonais, également 1 Égyptien, 2 Grecs et 1 de la Patagonie.

Les affiliations religieuses sont représentées comme suit : Church of England, 220 ; Presbytérien, 30 ; Méthodiste, 60 ; Catholique romain, 80 ; Baptiste, 2 ; Luthérien, 13 ; Église orthodoxe, 2 ; Congrégation, 3 ; Armée du salut, 2 ; et environ 40 dont la religion est inconnue.

Sur l’île, il y a environ 62 couples mariés, 35 hommes célibataires ou veufs, 7 femmes célibataires ou veuves, 50 jeunes hommes, 20 jeunes femmes, 85 garçons, 80 filles, 16 bébés.

Les métiers et occupations sont représentées comme suit : Charpentiers et constructeurs, 4; ingénieurs, 2 ; forgerons, 3 ; maçons, 1; tavernier, 1 ; aubergistes, 2; coupeurs de pierre, 2; chasseurs, 2 ; pêcheurs, 1 ; chasseurs de phoques, 10.

Il y a une loge Odd Fellows avec 38 membres dont le Noble Grand est P. Purvis et le sécrétaire est Jos. Akerman, Jr. Ils se rencontrent une fois par mois. Il y a cinq bureaux de poste sur l’île : Vesuvius (Joel Broadwell) ; North End (Levi Lakin) Burgoyne Bay (S. Maxwell); Fulford Harbor (11. M. Rogers) Beaver Point (A. McLennan). Cinq jetées : Fernwood, Vesuvius Bay, Ganges Harbor, Burgoyne Bay, Fulford Harbor. Deux maisons de pension, (1) par Mme. Stevens, à Vesuvius, grande et accueillante avec des chambres pour 12 personnes ; frais qutodiens, I$, à la semaine, 5$. (2) par J. Akerman, dans la vallée compte les mêmes tarifs. Une taverne, avec bar à Fulford harbor, par H. M. Rogers. Un magasin général, Vesuvius Bay, par E. J. Bitancourt.

Un grand nombre de Métis sur l’île gagnent leur vie en chassant; d’autres se rendent sur le continent pour pêcher le saumon dans la rivière Fraser, en saison et plusieurs sont des chasseurs de phoques qui, au début de chaque année, aux environs de janvier, s’embarquent sur un navire à Victoria et naviguent quelque 3 000 milles sur l’océan, jusqu’à la côte du Japon, un voyage d’environ 60 jours, sachant qu’ils ne reviendront pas avant le mois de septembre ou octobre suivant. Cela semble un long voyage, mais comme ils reviennent souvent avec 1 000 $ ou 1 200 $ dans leurs poches, ils trouvent que ça en vaut la peine.

REMARQUES DE CONCLUSION.

Un coup d’œil à la carte géographique à l’intérieur de la page couverture vous permettra de repérer la position géographique de Salt Spring Island par rapport au reste du monde. On notera que sa longitude est 123 degrés 30 minutes à l’ouest de Greenwich et que sa latitude est tout près de 49 degrés au nord de l’équateur. Elle est séparée de la grande île de Vancouver à l’ouest, par un étroit chenail navigable et à l’est, et au nord, se trouvent de nombreuses îles plus petites, toutes situées dans le détroit de Georgia. Sur Kuper Island, tout juste au nord de Salt Spring se trouve une colonie d’Indiens. Moresby Island au sud, est le domaine du capitaine Robertson, qui possède toute l’île et y réside avec sa famille. Plumper Pass a toute une colonie de Blancs et une liaison par vapeur avec Vancouver, New Westminster et Nanaimo, de même qu’avec Victoria. Saanich Peninsula, au sud, fait partie de l’île de Vancouver, et il y a un chemin de fer, tout récemment mis en place, qui relie la ville de Victoria : deux trains par jour, dans les deux sens. Les chemins de fer Esquimalt et Nanaimo Railway vont vers le nord de Victoria, à Nanaimo et Wellington, à quelques milles du chenal indiqué sur la gauche de la carte et ce sera bientôt prolongé jusqu’à Comox. Pour prendre le train, on doit louer un bateau, soit à Burgoyne Bay ou à Vesuvius Bay, pour atteindre la rive opposée (les frais sont de 1,50$), puis on marche quelques milles jusqu’à la station de chemin de fer ou encore, on peu prendre un bateau de Fulford Harbor ou Beaver Point jusqu’à Sidney, qui est le terminus du chemin de fer de Saanich Peninsula. Mais la façon normale de se rendre à Victoria ou Nanaimo, et également de livrer ses produits ou de prendre livraison de marchandises de la ville est de prendre place à bord du « Joan » un navire très confortable de 544 tonnes adapté aux passagers. Les frais d’un passage simple pour Victoria sont de 2,00 $, retour 3,00 $; pour Nanaimo, 1,50 $, retour 2,25 $. Le cargo vers Victoria, 2,50 $ la tonne; à Nanaimo 2,00 $. Les repas à bord, très bons et bien servis, coûtent 50 cents. La cabine pour la nuit coûte 75 cents de plus. À bord, un commercant du nom de J. Wilson fait beaucoup d’affaires avec les fermiers de Salt Spring. La « Joan » arrive de Victoria le mardi, en avant-midi et arrête à Burgoyne Bay à environ 11 a.m. et à Vesuvius Bay à midi pour poursuivre sa route vers le nord sur 35 milles qui la mène à Nanaimo et, 56 milles plus loin, à Comox. Elle revient le samedi, empruntant l’autre côté de l’île durant son voyage de retour et elle s’arrête à Fernwood (North End), Ganges Harbor environ à 9:45 a.m. et à Fulford Harbor environ à 10:45 a.m. Le mardi suivant, elle remonte la côte est de l’île, pour redescendre du côté ouest, le samedi, changeant ainsi de parcours à chaque semaine. Il y a toujours un grand attroupement au quai à l’arrivée du vapeur; certains monteront peut-être à bord, d’autres viennent rencontrer des amis, d’autres, encore, viennent expédier les produits de la ferme ou recevoir des marchandises; il y a des caisses de volailles, des boîtes d’œuf, des caisses de beurre, des agneaux ou des moutons étendus inconfortablement sur leurs flancs, les pattes liées, de petits cochons soigneusement mis en boîtes et de gros vieux porcs aux pieds attachés à un bâton qui servira à les transporter à bord, criants et se débattant, mais incapables de résister. Tout autour du quai sous les arbres, dans un arrangement pittoresque, on retrouve les poneys des colons et autres moyens de transport, les paires de bœufs, les petites charettes, les chariots à plusieurs chevaux, les bogeis, etc. Le bateau arrive, les amarres sont lancées et il y a un peu de confusion pendant un moment, puis on entend un sifflet profond, on retire la planche d’embarquement et le bateau repart de nouveau. Les colons se retrouvent autour du petit bureau de poste pour récupérer leur courrier et leurs factures de transport, puis tout le monde s’en va et la jetée se retrouve vide et désertée.

Il ne reste qu’à mentionner que les besoins principaux des colons et qu’ils espèrent voir combler bientôt sont :

1- Un médecin. Ce n’est pas qu’il y ait beaucoup de maladie, bien au contraire. L’île semble procurer une merveilleuse immunité contre les maladies de toutes sortes, à l’égard des humains, des bêtes et des oiseaux. Mais il y des cas où la présence d’un médecin est requise d’urgence et on n’en trouve pas plus près qu’à Maple Bay; il est également difficile pour un colon pauvre de payer 15 $, 20 $ ou 25 $ pour une simple visite chez le médecin. Un médecin qui gagnerait sa vie partiellement en cultivant sa ferme, tout en recevant la bourse annuelle de 200 $ accordée par le gouvernement ainsi que les honoraires qu’il percevrait de ses patients de Salt Spring et des îles environnantes pourrait bien mener une vie très facile et agréable.

2- Un hôtel familial, construit sur un beau site surplombant la mer.

3- Un bon magasin général situé à un endroit central.

4- Un cordonnier.

5- La liaison télégraphique ou téléphonique avec l’île de Vancouver.

6- Un service plus fréquent du vapeur, particulièrement en été, lorsque les petits fruits risquent de pourrir s’ils ne sont pas expédiés immédiatement. Un traversier quotidien vers Sidney, pour assurer la liaison avec le train de Saanich serait très avantageux.

7- Plus de colons. La valeur de la terre est reflétée par la rapidité avec laquelle on en a pris possession. Maintenant, il ne reste plus de terres du gouvernement, sauf dans certaines montagnes et une parcelle près du centre de l’île appelée Cranberry Marsh. Mais plusieurs des propriétaires de grandes fermes sont disposés à vendre une partie de leur propriété, s’ils en tirent un prix honnête. Comme il est coûteux de défricher la terre, il y a une grande différence de prix entre la terre défrichée et cultivée et la terre encore couverte de forêt. La valeur du marché pour la terre défrichée varie entre 50 $ et 125 $ l’acre, en fonction de l’emplacement du terrain et de la nature du sol, alors que celle de la terre boisée varie entre 7 $ et 15 $ l’acre.

Les gens de Victoria et de Nanaimo avec lesquels les fermiers de Salt Spring Island font le plus affaire sont :--

VICTORIA.

Henry Saunders, Grossiste et épicier, Johnson Street.
Simon Leiser, Épicier grossiste, Yates Street.
T. G. Raynor, Épicier général, 19 City Market.
S. Schoen, Épicier général, 177 Douglas Street.
L. Dickinson, Épicier général et aliments pour animaux, 113 Douglas Street.
T. Porter & Sons, Bouchers, Johnson Street.
Erskine & Wall, Épicier général, coin Government et Fort Streets.
Fell & Co., Épicier général, Fort Street.
Brackman & Ker, Aliments pour animaux, Government Street.
Fred. Carne, Jr., Épicier et provisions, Yates Street.
W. J. Mitchell, Boucher, Douglas Street.
Lawrence Goodacre, Boucher, Government et Johnson Street.
Van Volkenburgh, Boucher, Yates Street.

NANAIMO.

Lawrence Manson, Épicier général.
D. H. Beckley, Boucher.
Co-operative Store Épicerie et boucher.
Bevilockway, Épicier général et marchand de fruits.
Ed. Quennell, Boucher.
A. R. Johnson & Co., Épicier général et aliments pour animaux.

Source: , , , Wilson, E.F., "Salt Spring Island British Columbia 1895," ca. 1895.

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