Les livres et les romans (incluant la poésie)

Les historiens utilisent comme sources de nombreux types d’ouvrages publiés. Deux de ceux-ci prédominent dans ce site : le roman et la littérature médicale.

Lorsque les livres sont censés être fictifs ou imaginaires, il importe de tenter de déterminer ce qui a été ajouté afin d’embellir l’histoire ou le poème, et ce qui a pu être tiré de la vraie vie. Les « drames à huis clos », telles les pièces de théâtre d’Amy Redpath, n’étaient jamais écrits dans le but d’être interprétés en public. Au contraire, ces pièces étaient jouées dans les foyers, probablement devant un auditoire formé de membres de la famille et d’amis. De telles pièces nous permettent de reconstituer une importante coutume sociale aujourd’hui disparue.

Les œuvres littéraires, incluant la poésie, peuvent nous informer sur des sujets plus vastes que les relations familiales et les coutumes sociales. Il semble parfois que l’intrigue d’un roman est inspirée de la vraie vie. Le roman de Lily Dougall The Summit House Mystery [Le mystère de la maison du sommet] semble combiner des éléments de l’affaire Redpath et du célèbre cas Lizzie Borden, un double meurtre qui s’était déroulé en 1892. Que savait Lily Dougall au sujet de la tragédie Redpath?

Afin de rendre leurs œuvres plus réalistes et vraisemblables, les romanciers décrivent minutieusement les lieux physiques dans lesquels leurs récits évoluent. Dans les œuvres de l’humoriste montréalais Stephen Leacock, par exemple, le nom des personnages et les descriptions des lieux, savamment choisis, font du très sérieux quartier montréalais du Square Mile un endroit comique.

Certains romans sont si puissants qu’ils en viennent à influencer la manière dont un lieu est perçu, même si la description qu’il en fait est tendancieuse. Bien que le roman de Hugh MacLennan Two Solitudes [Deux solitudes] publié en 1945, ait été écrit des décennies après l’âge d’or du Square Mile de Montréal, ce livre a néanmoins influencé la manière dont des générations de Canadiens ont appréhendé les rapports entre Anglais et Français. Le fait que le roman ait reçu en 1945 le prix du Gouverneur général pour une œuvre de fiction nous en dit long sur le retentissement qu’il avait eu à l’époque.

Les historiens utilisent aussi les articles scientifiques et les manuels de médecine pour comprendre la manière dont les médecins percevaient et expliquaient la santé et la maladie. Au début du vingtième siècle, la médecine adoptait peu à peu une démarche scientifique. Les décisions liées au traitement des patients étaient désormais basées sur des études systématiques et des études en laboratoire. La littérature médicale a joué un rôle essentiel dans la création de cette médecine scientifique.

Contrairement aux traités de médecine, qui existent depuis bien longtemps, les premiers manuels de médecine moderne ne sont apparus qu’à la fin du dix-neuvième siècle. L’ouvrage du médecin canadien William Osler, The Principles and Practice of Medicine [Les principes et la pratique de la médecine], dont la première édition remonte à 1892, a constitué la référence en matière de manuels médicaux jusqu’à la Deuxième Guerre mondiale. Les revues médicales, également utilisées dans le domaine de l’éducation, permettaient aux médecins de se tenir à jour quant aux plus récents développements dans le domaine des traitements. Les informations de nature médicale étaient aussi publiées dans des manuels spécialisés, où elles étaient présentées dans des catégories ciblant une maladie particulière (la tuberculose), une partie du corps (les poumons) ou un système physiologique (le système respiratoire).

Bien que la médecine puisse apparaître comme une science objective qui étudie des faits immuables, les idées médicales évoluent résolument avec le temps. À toute époque, une interprétation complète des significations et des symptômes d’une maladie donnée, ainsi que des traitements recommandés pour la combattre, peut s’appuyer sur plusieurs explications différentes, voire contradictoires. Dans la littérature médicale, des états particuliers, auxquels les médecins d’aujourd’hui assigneraient sans hésiter des causes physiologiques, étaient auparavant décrits comme des états biologiques, sociaux ou mentaux. Les écrits d’Osler sur la tuberculose, par exemple, qui sont ultérieurs à la découverte du bacille de la tuberculose, identifient encore des causes sociales ou climatiques comme facteurs de progression de la maladie.

En terminant, notons que la création des figures du médecin et du chirurgien modernes découle de ce nouveau système d’éducation qui, basé sur l’enseignement universitaire, faisait largement appel aux manuels et aux articles scientifiques. Cette forme de littérature a instauré de nouvelles manières de voir la maladie, et, du même coup, a établi la figure du patient moderne.