Depuis plusieurs années maintenant, les historiens canadiens et québécois ont découvert la richesse de ce qu’on appelle couramment «les archives judiciaires» et s’intéressent de plus en plus aux traces documentaires laissées par l’appareil étatique de la régulation sociale et de la justice criminelle d’une époque révolue, que ce soit la Nouvelle-France ou le Canada du tournant du XXe siècle. Les crimes violents sont étudiés en profondeur par les tribunaux; c’est donc dans les archives de ces mêmes tribunaux que l’on doit puiser afin de comprendre soit le phénomène de la criminalité soit les efforts de l’État visant à la réprimer et à la punir.
La mort d’Aurore Gagnon et les procédures criminelles l’ayant suivie ont laissé des traces documentaires importantes au sein des archives judiciaires du Québec. Pour la plupart, ces documents sont conservés aux Archives Nationales du Québec à Québec (www.anq.gouv.qc.ca) situées sur le campus de l’Université Laval. Les documents ayant trait à l’affaire Gagnon sont dispersés dans plusieurs fonds: Cour des sessions de la paix, greffe de Québec (TP12, S1), Cour du banc du roi, greffe de Québec (TP9, S1), Documents de tribunaux de la période confédérative (TP999) et Ministère de la Justice (E17).
Les documents judiciaires sont de nature hétérogène: on retrouve des dépositions, des jugements, des mandats d’arrestation, de la correspondance et des déclarations de tous les genres. Dans les années 1920, quelques pièces sont encore rédigées à la main, mais la machine à écrire prend de plus en plus sa place. Comme les pièces judiciaires sont très nombreuses et volumineuses au sein de ce site, nous avons décidé de traiter les «Dépositions» et les documents issus des «Dossiers du coroner» comme des catégories distinctes de documents produits par l’appareil judiciaire.
Dans le fonds d’archives de chaque cour de justice nous devrions, en principe, pouvoir retrouver trace de toutes les causes entendues devant cette cour, même de celles qui se sont terminées sans qu’un procès, en bonne et due forme, n’ait eu lieu. En pratique par contre, les greffiers avaient chacun leur manière de travailler, de classer et de rédiger leurs documents. Devant la complexité de l’appareil judiciaire, ceci entraîne un fouillis considérable dans les archives. Spécifiquement dans le cas de l’affaire Gagnon – que plusieurs chercheurs ont examiné avant nous – les pièces sont parfois classées pêle-mêle et, par exemple, des documents produits par la Cour du banc du roi se trouvent dans le fonds de la Cour des sessions de la paix. Heureusement, nos partenaires aux Archives Nationales du Québec avaient déjà fait un effort préalable d’identification et de localisation des pièces pertinentes, ce qui a grandement facilité nos recherches.